mercredi 19 décembre 2012

Lannemezan. Le procès d'un chauffard


Lannemezan. Le procès d'un chauffard

TRIBUNAL

Le cyclo a été pulvérisé par la Mercedes du retraité, qui roulait ivre et sans permis./Photo Laurent Dard. - Tous droits réservés. Copie interdite.
Le cyclo a été pulvérisé par la Mercedes du retraité, qui roulait ivre et sans permis./Photo Laurent Dard. ()
Le cyclo a été pulvérisé par la Mercedes du retraité, qui roulait ivre et sans permis./Photo Laurent Dard.
L'accident du 14 novembre 2010 avait fait l'effet d'un coup de tonnerre à Lannemezan : deux jeunes venaient d'être fauchés par une voiture sur la route de Saint-Laurent-de-Neste, alors qu'ils circulaient à cyclomoteur.
Il faisait nuit ce soir-là, à 18 h 15, il pleuvait et le brouillard était tombé. Malgré cela, un conducteur avait doublé une file de véhicules devant lui et percuté de plein fouet les deux ados : Anthony Couhau, 17 ans, était mort sur le coup et son copain, Saïd Kouch, très grièvement blessé. Le jeune homme en est aujourd'hui à sa 23e intervention chirurgicale et se déplace difficilement, à l'aide d'une canne. À la tristesse provoquée par cet accident, s'est rapidement ajoutée la stupeur : Sylvestre Pimenta, un chauffeur routier à la retraite, était ivre au moment de la collision et son permis avait été annulé, pour récidive de conduite en état alcoolique. Son casier est éloquent à ce sujet. Et pourtant, ce soir-là, il a pris sa Mercedes, avec 1 g d'alcool dans le sang, a doublé presque sans visibilité, sans jamais songer à se rabattre alors qu'il avait largement la place.

Malaise

Ce que l'on apprend au tribunal ajoute encore au malaise : quand Sylvestre Pimenta apprend que son permis est annulé, il se précipite à la préfecture pour déclarer qu'il a perdu ses papiers : on lui délivre alors un duplicata et il n'a plus qu'à se rendre au Portugal, son pays d'origine, pour solliciter un nouveau permis. Dans sa déclaration à l'assurance, il s'est bien gardé de mentionner ses condamnations pour conduite en état alcoolique. Comme ça, s'il est contrôlé… Quand le président Ballu évoque les faits, le petit retraité se met à chouiner, à se tortiller, à plisser le visage : mais pas une larme ne coule. Tous les témoignages vont dans le même sens : les trois véhicules qui roulaient devant Pimenta n'allaient pas vite : entre 60 et 70, au vu des conditions météo épouvantables : «Vous êtes le seul à avoir déclaré qu'il ne faisait pas si mauvais que ça. À combien rouliez-vous ?», demande le président. «Oh, pas trop vite, 70 peut-être…» «Mais alors, il vous aurait fallu plus d'un kilomètre pour doubler ! C'est impossible.»

Chauffard type

«Je ne sais pas, je ne me souviens pas.» La retraite amnésique est presque immédiate, cédant le pas à la mauvaise foi. «C'est peut-être l'alcool qui est un peu responsable…», plaide le retraité qui s'enfonce lui-même un peu plus à chaque déclaration. Une question va venir sur le tapis très vite : le phare du cyclo fonctionnait-il ? L'expertise n'est en rien formelle sur ce point, l'engin ayant été beaucoup trop endommagé pour pouvoir se prononcer. Mais les assurances s'engouffrent dans la brèche et demandent une responsabilité partagée, avec les deux tiers de la faute sur l'adolescent. Ce qui fait bondir tant la partie civile que le ministère public : «Qu'est-ce qu'on peut reprocher à ce malheureux jeune ? Rien ! Il roulait dans sa voie, à droite, tout à fait normalement. En face, il y avait un chauffard type», fulmine la procureure Éliane Markovitch. «Sans compter, ajoute Me Bacara, et cela a été noté, que M. Pimenta a continué à circuler en voiture après cet accident ! Je ne crois pas à ses regrets : c'est le type même du chauffard, qui se moque des lois et ne connaît que la sienne : conduire, quand il veut, quand il a bu, sans permis, ça ne le gêne pas !» Pour la défense «quoi qu'on dise, c'est toujours trop pour la famille, mais il faut personnaliser la peine et tenir compte de l'homme accablé par la culpabilité». 3 ans de prison, dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve ont été requis. Le jugement sera rendu le 8 janvier prochain.
Hélène Dubarry

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