jeudi 13 mars 2014

Inondations : pourquoi tant de débordements

Inondations : pourquoi tant de débordements

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catastrophes

À Oursbelille comme ailleurs, on scrute avec inquiétude le niveau des eaux./Photo Laurent Dard.
À Oursbelille comme ailleurs, on scrute avec inquiétude le niveau des eaux./Photo Laurent Dard.
Depuis quinze mois, une demi-douzaine de crues, dont quatre épisodes d’ampleur, ont touché les Hautes-Pyrénées. Une pluviométrie historique en 2013 et des nappes gorgées expliquent la situation.
Depuis la crue d’octobre 2012, qui a noyé, une première fois Lourdes et les Gaves, les inondations sont revenues par vague sur la Bigorre. Une recrudescence et une gravité des épisodes qui interpellent habitants et pouvoirs publics. Si les nouvelles technologies irriguent chacun de ces phénomènes d’un flot d’images spectaculaires, les crues ont jalonné l’histoire du département, essentiellement en juin pour les plus dévastatrices et en janvier/février pour les plus lentes. D’ailleurs, selon les documents de prévention de la préfecture, la grande majorité des communes du département est exposée au risque inondations.

42 % d'eau en plus

Sur l’année 2013, la pluviométrie a été nettement excédentaire par rapport à la normale. À Tarbes, il est tombé 1.492 mm l’an dernier, contre 1.047 mm en temps normal, soit un excès de 42 %. Cette année 2013 vient au second rang des années les plus arrosées depuis 1946, juste derrière 1956. Sur certains secteurs comme Lannemezan ou des zones de montagnes, c’est même l’année historiquement la plus pluvieuse. «À chaque fois, il y a eu des conjonctions d’événements, que ce soit avec la fonte de la neige, la pluie ou la saturation des nappes», décrypte Stéphane Lemoigne à Météo France.
Des sols gorgés d’eau qui alarment aussi les spécialistes du BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières. Sur le premier semestre 2013, quatre épisodes de remontées d’eau depuis les nappes ont été expertisés par le BRGM. «Ce sont des événements assez exceptionnels, des épisodes d’intensité au moins décennale, analyse Mélanie Bardeau, hydrogéologue pour Midi-Pyrénées. Jusqu’en juillet, les niveaux des nappes sont montés, mais après, la décroissance a été lente et assez faible. Du coup, à l’étiage en novembre, les basses eaux étaient supérieures à la normale.» Avec les précipitations importantes de janvier, les niveaux pisométriques sont désormais supérieurs à ceux de l’an dernier, pourtant remarquables à la suite d’importants épisodes pluvieux (270 % de la normale en janvier 2013). À Lafitole, le 27 janvier, l’eau pointait à 1,40m du sol, soit 20cm au-dessus de la cote d’alerte. «On est sur le point d’enchaîner deux années décennales humides, poursuit la technicienne. Les nappes sont extrêmement réactives aux pluies. Tous les éléments convergent vers un risque toujours plus important d’inondations. Je ne serais pas étonnée de voir des dégâts dans les caves et les sous-sols en aval de Tarbes prochainement.» Une information doit être communiquée aux communes pour informer de ce risque de remontée des nappes. «Il faut être très modeste, reconnaît le président de l’Institution Adour Jean-Claude Duzer. On s’aperçoit que ces catastrophes se répètent d’une année sur l’autre. Sans doute le dérèglement climatique…»
Andy Barréjot

«Besoin de faire le ménage»

Président de la commission planification au comité de bassin Adour-Garonne, Claude Miqueu planche sur un plan concernant les submersions rapides et les crues. «L’enrochement et la canalisation des cours d’eau ont montré leurs limites, assure-t-il. La clé, c’est la maîtrise de l’urbanisation, que les élus aient le courage d’assumer de nouvelles cartes, sans prendre de risque sur les zones inondables.» Et le conseiller général va plus loin : «Il faut écrire sur les cadastres les champs d’expansion des crues, pour permettre à l’eau de s’élargir, plutôt que de répondre par des digues qui coûtent souvent plus cher que la parcelle en question. Nous avons créé un espace de mobilité autour de l’Adour, qui a fait ses preuves, en tenant compte du lit majeur.» Quant à l’entretien des cours d’eau, Claude Miqueu reconnaît qu’il faut «travailler autrement. Il y a des gens qui travaillent au nettoyage et à l’entretien, mais il faut faire le ménage, simplifier les procédures et articuler les actions, sans faire de démagogie. C’est aussi aux riverains, aux propriétaires, d’entretenir ces réseaux. Or, on constate un essoufflement au niveau des ASA, ces structures qui nettoient les canaux mais manquent de bénévoles pour succéder à une génération d’agriculteurs qui va se retirer…»
Pour sa part, Jean-Claude Duzer, le président de l’Institution Adour, cible les «digues orphelines non entretenues par leurs propriétaires» et plaide pour ces «espaces de mobilité. Il y a aussi les bassins de rétention. Faire des plans d’eau servirait à la gestion des niveaux des rivières et profiterait à l’économie et à la salubrité publique. Car, qui nous dit que nous n’aurons pas de sécheresse cet été ?» A.B.

«On s'attendait à quelque chose d'équivalent, voire pire»

«On s’attendait à quelque chose d’équivalent, voire pire», avoue Jérôme Souchard, chargé de mission pour le Centre pyrénéen des risques majeurs (CPRIM), à propos des crues en Val d’Adour. Pour lui, les débordements des cours d’eaux comme l’Adour et le Lys sont «simplement» dus aux chutes d’eaux très importantes. Rien de surprenant.
«Il faut rester modéré, on reste sur un événement de crue de plaine, gérable et prévu 24h à l’avance, par une vigilance météo annonçant un risque d’inondation dans des secteurs d’étalement classiques», ajoute Jérôme Souchard. Pour le CPRIM, ces crues sont susceptibles de se reproduire, même si des parades peuvent (doivent ?) être mises en place. Pour l’expert, il y a «une réflexion à avoir pour recréer des zones d’expansion de crues. Il faudrait alors accepter que des secteurs entiers soient délaissés pour recevoir l’eau». Localement, pour l’Adour, les autorités essayent «de recréer un espace de mobilité pour qu’elle puisse déborder». Après des rehaussements de berges qui n’ont pas eu les résultats escomptés, des «zones d’étalement de crue» pourraient être une barrière aux inondations. à condition de faire des concessions sur les terrains agricoles.
Paul Delpuech

Retrouvez notre dossier Intempéries Grand Sud

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