vendredi 8 avril 2011

"Né coupable" d'être Rom au camp de Lannemezan


"Né coupable" d'être Rom au camp de Lannemezan hautes-pyrénées Louis Gusmann et la photo de lui avec ses frères et autour de ses parents. Sa sœur aînée s'est mariée au camp de Lannemezan/Photo DDM P.C. OAS_AD("Position1");


On leur dit « fils du vent ». Lui se contente d'être fils d'Adam. « Huitième enfant né d'Adam Gusmann, Rom Kalderash, chaudronnier « dit Damo » et de Gladel Weinstein « Manouche de Bordeaux », résume Louis Gusmann, venu au monde il y a 67 ans au camp d'internement des nomades de Lannemezan. Le camp d'internement de Lannemezan ? Pendant la dernière guerre mondiale, il n'avait ni miradors ni barbelés, mais les Français parqués là n'en étaient pas moins prisonniers, sur la lande à l'entrée de la ville, où ils furent abandonnés à eux-mêmes en 1940 avant d'être collés entre les murs d'un hôpital inachevé, pas loin de la mairie en 1941. « Ce qui était très pervers de la part de l'administration, qui avait calculé qu'il aurait fallu fournir l'alimentation dans un vrai camp » rappelle Sylviane Guinle-Lorinet, historienne ayant sorti cette page sombre de l'oubli, dans les Hautes-Pyrénées. La misère et la famine « Cette histoire trouée » des Roms qui dès le 6 avril 1940 en France ont été les premiers enfermés, victimes du racisme anti-nomades avant même l'invasion allemande, et « les derniers libérés en 1946 » souligne l'historienne. « Histoire trouée » dont une récente plaque atteste désormais, à Lannemezan. Et quelques rares mémoires dont celle de Louis Gusmann. Photos étalées sur la table de jardin devant son mobil-home de Bordères, à côté de Tarbes, les images donnent alors à voir la famille. Côté maternel « où la moitié a disparu déportée ». Côté paternel, aussi. « Et le camp, c'est à moi que mon père en a parlé le plus » reprend Louis. Ce qui revenait alors ? « La famine, la misère. La faim, oui. » Parce que les Roms avaient juste le droit de sortir jusqu'à 18 heures pour se procurer de quoi survivre. « Heureusement avec les habitants, ça se passait bien. à Lannemezan, dans le fond, les gens étaient gentils. L'hiver, ils prenaient les gosses à la cheminée pour les chauffer et laissaient les jeunes déterrer les raves du bétail, pour manger. » Mais s'ils n'étaient pas rentrés pour l'appel… « les gendarmes les passaient à tabac. J'ai un cousin qui a été laissé pour mort » poursuit Louis. Dont un autre cousin a été criblé de balles par les Allemands, à Lannemezan, son frère perdant trois doigts, ce jour de juin 1944, alors qu'ils ramassaient du bois. Le camp ? Ce qui a fait aussi qu'ils ne sont jamais repartis. « Car ce que tout le monde a oublié, c'est qu'on nous avait réquisitionnés nos chevaux. » Depuis ? Ah depuis… « Le regard n'a pas évolué, il a même empiré » estime Louis. Français qui a travaillé toute sa vie mais à qui l'on a longtemps refusé ses papiers et le droit de voter… « né coupable » d'être Rom, aux yeux des braves gens.

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