lundi 25 octobre 2010

Georges Frêche est décédé, victime d'un arrêt cardiaque


Publié le 25/10/2010 08:00 - Modifié le 25/10/2010 à 14:45 Jean-Jacques Rouch
Georges Frêche est décédé, victime d'un arrêt cardiaque



Esprit libre et indépendant, Georges Frêche aura fait triompher à Montpellier sa vision d'une ville nouvelle, hissant l'agglomération au 8e rang des métropoles nationales. / Photo AFP Ancien maire de Montpellier, président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, personnage haut en couleur et fort en gueule, Georges Frêche est mort hier d'un arrêt cardiaque à l'âge de 72 ans.

Tonitruant, habile, provocateur, visionnaire, et finalement populaire, tel était Georges Frêche, disparu brutalement hier à l'âge de 72 ans d'une crise cardiaque. Avec lui s'éteint un personnage hors du commun, véritable dinosaure de la politique, un trublion embarrassant mais omniprésent de la vie politique régionale et nationale.

Georges Frêche était né à Puylaurens, dans le Tarn. Il a vécu une partie de sa jeunesse à Toulouse, puis après Paris, il débarque à Montpellier en 1969, comme enseignant à la faculté de droit. C'est en Languedoc qu'il adhère à la SFIO et deviendra vite député socialiste en 1973.

Dès le début de sa carrière politique, et alors que les socialistes sont plutôt anticolonialistes, lui se rapproche des milieux pieds-noirs, voire de ceux de l'Algérie française. Dans cette région qui a accueilli une bonne partie du bataillon des rapatriés, cette main tendue dans une France qui leur tournait plutôt le dos ne sera jamais oubliée.

En 1977, Georges Frêche est élu maire de Montpellier. Et il va prendre le risque de bouleverser la ville en se lançant dans de vastes chantiers. On se souvient d'Antigone, dessiné par l'architecte Ricardo Bofill. Cette volonté architecturale se double d'une ambition pour cette ville, qui, de petite cité de province passera au 8e rang des villes françaises, avec une réputation de jeunesse, de modernité et de dynamisme que beaucoup lui envieront.

Georges Frêche cédera les clefs de la ville à son adjointe Hélène Mandroux en 2004, lorsqu'il est élu à la tête de la région Languedoc-Roussillon. Là encore, il bénéficie de l'appui du vote pied-noir et de la tradition socialiste de cette terre viticole. Il n'a cependant pas réussi à imposer le nom de Septimanie en remplacement de Languedoc.

Mais ce sont surtout les coups de gueule qui ont rendu Georges Frêche célèbre (voir ci-dessous). Et son franc-parler a mis plus d'une fois son parti dans l'embarras. Au point d'exclure ce personnage pourtant incontournable dans le paysage politique du Grand Sud. Car Georges Frêche restait très populaire. En 2010, il a été réélu à la tête de la région avec 54 % des voix. Ce fin lettré avait parfois des côtés d'empereur romain, autoritaire, féodal voire mégalomane. Mais il aura aussi marqué une ville et une région qui ont profité de ses ambitions et de son audace. Son dernier coup d'éclat : les statues monumentales des grands hommes érigées à Montpellier : Winston Churchill, Charles de Gaulle, Jean Jaurès, Franklin D. Roosevelt… et Lénine.

Pas encore de statue de Georges Frêche, mais, dans la cité héraultaise, son empreinte pèsera bien longtemps.

Le chiffre : 27
ans > Maire de Montpellier. Georges Frêche a été élu en 1977 : il a cédé le fauteuil de maire pour cause de cumul des mandats à Hélène Mandroux en 2004.

« À Paris, il y en a un certain nombre qui veulent ma peau depuis toujours parce que je suis un type qui n'est pas dans la norme. Je dis ce que je pense et ça les gène ! » Georges Frêche

Ses petites phrases soulevaient de grosses vagues
Georges Frêche était bien connu pour ses éclats, qui ont mis son parti bien souvent dans l'embarras. Florilège.

Les harkis, « sous-hommes »

« Ils ont massacré les vôtres en Algérie et vous allez leur lécher les bottes ! Mais vous n'avez rien du tout ! Vous êtes des sous-hommes ! Rien du tout ! Il faut que quelqu'un vous le dise ! Vous êtes sans honneur. Vous n'êtes pas capables de défendre les vôtres ! Voilà, voilà… Allez, dégagez ! »

(A deux harkis, le 11 février 2006, lors d'un dépôt de gerbe sur la stèle de Jacques Roseau).

L'équipe « black » de France

« Dans cette équipe (de France), il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais là, s'il y en a autant, c'est parce que les blancs sont nuls. J'ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. Quand je vois certaines équipes de foot, ça me fait de la peine. »

(Conseil d'agglomération, novembre 2006)

Les flics et le feu aux bagnoles.

« Je me demande si ce ne sont pas les flics, qui, comme en mai 1968, mettent le feu aux bagnoles »

(Inauguration de la médiathèque de Montpellier en novembre 2005)

Fabius pas catholique.

Laurent Fabius ayant déclaré que s'il était Languedocien, il ne serait pas sûr de voter Frêche, ce dernier a répliqué : « Si j'étais en Haute-Normandie, je ne sais pas si je voterais Fabius. Ce mec me pose problème. Il a une tronche pas catholique. » (Devant la communauté d'agglomération de Montpellier, 22 décembre 2009).

Sarkozy en talons. M. Sarkozy ? Un «grand mamamouchi aux talons compensés». (Février 2005).

Pasteur et Hitler.

« Et je dis à mon ami le pasteur Nuñez qui mène cette manifestation, qu'il devrait se souvenir des luthériens qui ont voté Hitler en Allemagne en 1933 ! »

(En janvier 2010 au pasteur de la Cimade.)

Jean-Paul II et Benoît XVI. «J'espère qu'il sera meilleur que l'autre abruti (ndlr: Jean Paul II). Celui-là, on le jugera sur le mariage des prêtres et la capote» (Après l'élection du nouveau pape Benoît XVI, en avril 2005).

Le tchador. «Ne vous inquiétez pas pour la dame, elle n'a que les oreillons et on lui tient les oreilles au chaud.» (à propos d'une femme en tchador, lors de l'inauguration du tramway de Montpellier).

portrait réactions

Un élu bâtisseur
Georges Frêche était l'homme d'un défi urbain et d'une ville. Ce fut Montpellier, d'abord comme député en 1973 puis comme maire emblématique (1977-2004), enfin comme président de l'agglomération. Il avait toujours dit qu'il mourrait debout sur la scène politique. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Le président de la région Languedoc-Roussillon (2004-2010) était encore en Chine où il avait passé quelques jours avec ses deux filles Marion et Julie après avoir signé une série d'accords commerciaux pour le compte de la région. Georges Frêche allait vite : après sa victoire aux régionales de mars dernier, à peine sorti de clinique pour une opération de prothèse de la hanche, il s'était lancé dans une sorte de course-poursuite afin de mettre en route tous les dossiers d'une mandature régionale de seulement quatre ans. Sans période de vacances ni de repos. Car Frêche était un visionnaire et un anticipateur doublé d'un fin stratège politique.

En 1977, il avait enlevé la mairie de Montpellier au giscardien François Delmas. La ville était alors au 25e rang national. En 2004, elle est la 8e ville de France au prix d'un développement économique et démographique sans précédent. Car avec Georges Frêche, le chantier était permanent : pépinières d'entreprises, grands rendez-vous culturels (festival de Radio France, Montpellier-Danse,) et campagne de communication musclée. En 1985, il était le premier à avoir construit un Zénith en province. En septembre dernier il avait lui-même inauguré l'Arena, la première très grande salle de spectacle de province, pour avoir toujours un coup d'avance. « Nous ferons dans la Région ce que nous avons réussi à Montpellier. Mais cela prendra du temps, au moins deux mandats », disait-il au moment de la campagne électorale. Cet automne, il avait décroché pour sa ville le siège du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) qui faisait désormais de Montpellier la capitale mondiale de la recherche agronomique. Cette opération diplomatique ambitieuse, discrètement menée depuis des mois notamment aux États-Unis, notamment dans le sillage de Dominique Strauss-Kahn, était la parfaite illustration de son savoir-faire politique.


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De tumultueuses années d'études à Toulouse
« Monsieur vous êtes un trou du cul », cette phrase lapidaire et définitive, adressée par Georges Frêche à un surveillant du lycée Fermat de Toulouse, tous ses anciens condisciples s'en souviennent. Tant elle souligne le caractère entier et indépendant de celui qui deviendra, bien plus tard, le bouillant maire de Montpellier. C'était en 1956.

Georges Frêche est né le 9 juillet 1938 à Puylaurens (Tarn), fils d'un officier et d'une directrice d'école qui exercera longtemps à Toulouse. C'est d'ailleurs à Toulouse qu'il passe brillamment son bac (1954) et envisage, en classe de préparation aux grandes écoles, le concours d'HEC. Cette vive altercation avec son pion lui fermera d'autant plus les portes de l'examen que, convoqué illico devant un conseil de discipline, il claquera vertement la porte au nez de ses censeurs. Au grand dam de sa mère qui dirigea longtemps l'école primaire Jules-Ferry de l'avenue des États-Unis à Toulouse et de son père, officier très actif dans la Résistance régionale pendant l'Occupation.

Il lui faudra alors partir à Paris pour faire oublier cette incartade. Mais c'est encore à Toulouse qu'il reviendra, quelques années plus tard pour, ayant enfin intégré HEC, entamer de concert à l'Institut de sciences économiques une brillante thèse sur le Canal du Midi. C'est d'ailleurs sur ce thème qu'il est intervenu il y a deux ans à peine devant l'académie des Jeux Floraux à l'Hôtel d'Assézat. L'étudiant maoïste, marqué, au Quartier Latin, par d'âpres luttes contre la guerre en Algérie, séduira pourtant les vieilles familles du Lauragais qui, subjuguées par ce latiniste distingué, grand danseur et attentif aux charmes féminins, lui ouvriront leurs tables et leurs plus secrètes archives.

De ces années de jeunesse toulousaine, partagées entre la bibliothèque municipale et les cafés enfumés de la place du Capitole qu'il rejoignait sur son Vespa, ses camarades de classe retiennent « un esprit fin et éblouissant d'intelligence et de culture, de répartie et d'humour ».

Martin MALVY > Président de Midi-Pyrénées. « Un acteur et un bâtisseur, au verbe haut, aux effets recherchés, toujours en quête de ce qui pouvait mettre en valeur sa ville et sa région. Nous entretenions des relations cordiales et constructives pour Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon au sein de l'eurorégion. »

JEAN-MICHEL baylet > Président du PRG. « Un personnage haut en couleur, indépendant d'esprit, un très grand élu qui avait le sens de l'intérêt public ».

MARTINE aUBRY > Première secrétaire du PS. « Un grand élu visionnaire et bâtisseur. Son nom restera à jamais lié à Montpellier et à sa région. Au-delà des désaccords que nous avons pu avoir, je souhaite me souvenir d'un homme courageux et engagé »

François BAYROU > MoDem. « Un paradoxe vivant : Très cultivé et en même temps un provocateur qui n'hésitait jamais à transgresser, à choquer ».

Dominique paillé > Porte-parole de l'UMP. «George Frêche était un adversaire aux comportements parfois difficiles et que nous avons souvent combattu. Je reste convaincu que ses nombreux dérapages auront du mal à s'effacer de nos souvenirs» ».

Hélène mandroux> Maire PS de Montpellier, rivale aux régionales. « C'est un choc réel. Georges Frêche est lié à l'histoire de cette ville. Je le connais depuis 1982 et 40 ans d'une vie politique ne se résument pas à quelques phrases. »

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